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Après un premier semestre éclatant, les banques françaises tournent la page de la crise

« Achat » : c'est le nouveau mot d'ordre des analystes financiers sur le secteur bancaire. Le Crédit Agricole a clôturé hier soir, il est vrai, une saison de résultats semestriels, souvent qualifiée « d'historique » par ses dirigeants, lors des présentations. De fait, toutes les grandes banques françaises affichent des résultats (et des revenus) supérieurs à ceux du premier semestre 2019, un cru déjà considéré comme exceptionnel.

Ainsi, le groupe mutualiste annonce pas moins de 4,5 milliards d'euros de résultat net (publié) au 30 juin, dont 3 milliards pour la structure cotée, Crédit Agricole SA, soit « son résultat le plus haut depuis la cotation » en... 2001 ! Le groupe BPCE, qui finalise le retrait de la cote de sa filiale Natixis (dont les activités paiement et assurance vont bientôt réintégrer le giron de la maison-mère), voit son résultat doubler à 1,9 milliard d'euros.

De son côté, BNP Paribas, deuxième banque européenne derrière HSBC, se félicite du meilleur résultat trimestriel de son histoire. Même son de cloche à la Société Générale qui, après une année noire, enregistre sa meilleure performance trimestrielle depuis 2016 ! Et encore, en 2016, les résultats de la banque ont été gonflés par une plus-value de 660 millions d'euros sur la cession de sa participation dans Visa Europe.

57 milliards d'euros de profits

Bref, le message est clair : les banques ont bel et bien tourné la page de la crise et repartent désormais de l'avant. Et le message a été reçu cinq sur cinq par le marché. La performance se retrouve d'ailleurs chez la quasi-totalité des grandes banques européennes, tout comme d'ailleurs dans les sociétés du CAC 40 qui affichent une santé presque insolente en (demie) sortie de crise (57 milliards d'euros de profits, soit plus qu'en 2019!).

Certes, ces bonnes nouvelles étaient déjà largement intégrées dans les cours. Comme en témoigne d'ailleurs la remontada des valeurs bancaires depuis un an : +99% pour Société générale (particulièrement massacrée en Bourse l'an dernier), +45% pour BNP Paribas et Crédit Agricole SA, et +53% pour l'indice européen Eurostoxx Banks.

Les deux moteurs de la performance

Ces excellents résultats, bien au-dessus des attentes des analystes, s'expliquent pour deux principales raisons. Tout d'abord, un coût du risque nettement plus faible qu'anticipé. Société Générale décroche même le pompon avec un coût du risque de 11 points de base au second trimestre. C'est-à-dire rien ou presque. La banque a même révisé à la baisse sa fourchette de prévision du risque pour 2021 à 20-25 points de base.

Au Crédit Agricole, les provisions sont inférieures de moitié au consensus des analystes. Et le groupe BPCE, très impliqué dans le tissu des PME, retient un cout du risque de 22 points de base sur le semestre, en baisse de 45%. Les banques insistent pourtant sur leur approche prudente en termes de couverture des risques et ont constitué, l'an dernier, de confortables matelas de sécurité auxquels elles n'ont visiblement pas touché.

Après un premier semestre éclatant, les banques françaises tournent la page de la crise

Pas de surprise cependant pour Philippe Brassac, directeur général de Crédit Agricole SA, qui estime que les bons résultats sont le fruit des « filets de protection de l'économie » mis en place par les États et l'Union européenne. Un rappel que ne cesse de marteler le dirigeant mutualiste.

Pour beaucoup d'observateurs, le vrai rendez-vous du risque est reporté à 2022 (plus de moitié des entreprises qui ont souscrit un prêt garanti (PGE) ont décidé de reporter le premier remboursement d'un an) mais les moratoires ont pris fin en juillet. Les premiers effets de la crise auront donc lieu à la rentrée. «Nos clients entreprises ont des projections robustes sur les deux ou trois prochains trimestres », tempère cependant Frédéric Oudéa, directeur général de Société Générale.

Des actionnaires à nouveau choyés

Mais les banques ont également bénéficié d'un effet de ciseaux positif avec un rebond très fort de l'activité, dans tous les métiers (contrairement aux trimestres précédents), y compris dans la banque de détail, et une maitrise des charges d'exploitation.

Crédit Agricole se targue même de gagner des clients, plus de 900.000 sur le semestre. BNP Paribas voit sa collecte d'assurance-vie progresser de 70 %. La hausse des marchés a également dopé les revenus de la banque d'investissement. Ainsi, la Société Générale a vu bondir son chiffre d'affaires de 40 % sur le semestre, tout en gagnant en rentabilité.

« De la même façon qu'il ne fallait pas s'affoler il y a un an, il ne faut pas s'emballer aujourd'hui », avance prudemment Laurent Mignon, président du directoire de BPCE. Reste que les clignotants restent au vert, même si l'effet de base sera moins favorable au second semestre 2021.

Mais pour donner encore un coup de pouce aux cours des actions, les banques cotées entendent récompenser leurs actionnaires en reprenant une politique généreuse de distribution des résultats, soit environ 50 % du résultat sous-jacent. La nouveauté tient plutôt dans les programmes de rachat d'actions. Société Générale souhaite désormais distribuer un cinquième de son retour aux actionnaires sous la forme de rachat d'actions. Même Crédit Agricole SA a surpris le marché en annonçant un deuxième programme de rachat à l'automne, qui pourrait atteindre 500 millions d'euros. La crise ? Mais quelle crise ?

Eric Benhamou

05 Août 2021, 17:44

5 mn

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