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Basile Bourgnon : la mer dans l’ADN Porno Une actrice libanaise menacée de décapitation par Daesh (Photo) Vidéo Audrey Fleurot encore choquée par son « premier contact avec un sexe masculin » Sport L'ex-champion de cyclisme Laurent Jalabert se prépare à l

Après Laurent, son père, et Ivan, son oncle, Basile est le troisième Bourgnon à prendre le départ de la Mini Transat. À 19 ans, le jeune homme trace déjà son propre sillon. Portrait d’un surdoué des flots.

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in septembre, quatre-vingt-dix marins ont pris le départ de la Mini Transat, une traversée de l’Atlantique en solitaire, de la Vendée à la Guadeloupe avec escale aux Canaries. À bord de coques de noix, des bateaux de 6,50 mètres, sans communication avec la terre : les smartphones sont interdits. Parmi les concurrents, un gamin de 19 ans : Basile Bourgnon.

Seule sa timidité rappelle son jeune âge. Pour le reste, il affiche déjà une belle maturité. On sent qu’il a la taille et la carrure. En quittant Les Sables-d’Olonne, Basile (joint par téléphone lors de son escale dans l’île espagnole) s’est dit surpris :

« J’ai ressenti un grand vide. Il n’y avait pas d’émotion, comme si plus rien d’autre que la course ne se passait dans ma tête. »

À ses proches au moment des « au revoir », il a simplement lâché :

« La vitesse rend intelligent. »

Dans son attitude, ses gestes et sa concentration à bord, il y a l’ADN du père, Laurent Bourgnon, « théoricien » de la course au large, bricoleur génial, compétiteur insatiable : il a fait basculer la discipline dans une autre dimension. Avec lui, les aventuriers ont cédé la barre aux acharnés de la préparation. Résultat, Laurent s’est offert deux Route du Rhum (1994, 1998) et une Transat Jacques Vabre (1997). ­Pourtant, le champion a toujours été réticent à imposer sa passion à ses enfants, Basile et sa petite sœur Lou.

« Au fond de lui, je pense qu’il avait peur,

nous confie sa compagne, ­Caroline.

Laurent connaissait les risques, les contraintes. Il n’ouvrait jamais les livres, les coupures de presse ou les albums photos parlant de ses courses. »

Précautions inutiles : Basile, né en 2002, « tombe dedans ». Il prend les commandes du Zodiac familial dès l’âge de 5 ans et passe son temps à poser des questions lorsqu’il ne bricole pas.

« Il démontait tout, il voulait tout comprendre,

s’amuse sa mère.

Dès qu’il faisait du sport, il ne supportait pas l’échec. Il fallait qu’il réussisse. »

L’intéressé traduit :

« J’ai toujours été très attaché à la compétition, peu importe le sport. Et quand tu aimes la compétition, tu n’aimes pas perdre. Avec le temps, j’apprends à relativiser. »

Un apprentissage de la vie initié lors d’une aventure extraordinaire. En 2008 – Basile a 6 ans –, la famille embarque pour un tour du monde avec Jules et Justine, les premiers enfants de Caroline. Les cahiers et les cours par correspondance sont vite oubliés. On apprend à mener son bateau, à cohabiter dans un espace restreint, à vivre au rythme des éléments, à apprécier la liberté. Un fabuleux album de souvenirs heureux que Basile résume ainsi :

« Sur un bateau, chaque moment est un bonheur. C’est un autre rythme de vie où l’on n’est dépendant de personne. »

La famille s’arrête en Polynésie cinq ans puis séjourne une année supplémentaire en Nouvelle-Zélande. Basile grandit, son caractère s’affirme, ses envies de large aussi. En Nouvelle-Zélande, alors qu’une course s’élance sous ses yeux, l’ado, à bord de son dériveur, tente de suivre la meute des concurrents.

« L’eau, c’est son élément, son exutoire »

, constate sa mère.

L’insouciance et la légèreté s’envolent brutalement en juin 2015. Laurent disparaît lors d’une plongée dans les eaux turquoise de Polynésie. ­Retour dans l’Hexagone. Il faut tout réapprendre. Vivre avec la perte insoutenable, s’approprier les codes de l’école, accepter de rester assis et enfermé dans une classe, porter des chaussures...

« -L’essence du bateau, c’est de se déplacer et chaque déplacement s’apparente à un déménagement. Ma jeunesse a été faite de cette adaptation. »

Il s’est donc ­adapté. Emmanuel Le Roch, intime de la famille et skippeur, nous le confirme :

« Caroline avait une grande confiance en son fils, elle le poussait à être autonome. Basile a pris le rôle de chef de famille. C’était un “petit Laurent”, ça a beaucoup aidé Caro. »

« Après le décès de son père, il a fait preuve d’une force incroyable »

, confirme sa maman.

Son exutoire, c’est la voile donc, avec la certitude que sa trajectoire est une affaire de destin. Bon élève, il obtient le bac avec un an d’avance et débute des études d’ingénieur en septembre 2019. Quelques mois plus tard, Basile téléphone à sa mère. Caroline raconte :

« Il me dit :

“Je n’en peux plus, j’arrête l’école.”

Basile Bourgnon : la mer dans l’ADN Porno Une actrice libanaise menacée de décapitation par Daesh (Photo) Vidéo Audrey Fleurot encore choquée par son « premier contact avec un sexe masculin » Sport L'ex-champion de cyclisme Laurent Jalabert se prépare à l

Mais quand ?

“Ce soir.”

»

Basile ne veut plus désormais se consacrer qu’à la course au large.

« Je n’étais pas à ma place dans les amphis, j’avais l’impression de perdre mon temps. »

La chance lui sourit immédiatement. Edenred (créateur du Ticket-Restaurant), sponsor historique de la voile, lui propose de participer à la Transat Jacques Vabre 2019, en binôme avec Emmanuel Le Roch.

« C’est là que ma carrière a commencé »

, savoure Basile. Il découvre l’appréhension d’une transat, les sollicitations ­médiatiques, l’émotion d’un grand départ. Son compagnon de bord l’assure,

« le large, c’est sa deuxième maison. Il est toujours serein, il sait prendre les bonnes décisions et garder son sang-froid quand les conditions deviennent plus tendues »

. Le jeune navigateur s’enthousiasme de cette première expérience :

« Je l’ai faite sans pression, ça a été extra-ordinaire. Ça a eu valeur de déclic sur tellement d’aspects ! »

L’apprentissage se poursuit avec cette Mini Transat. Mi-octobre, la flotte faisait escale aux Canaries. Avant le départ, Basile a convié sa mère, pourtant malade en mer, à faire le convoyage entre la Bretagne et la Vendée.

« Il sait les craintes d’une maman à chaque départ et fait preuve de beaucoup de compassion. Il tente de partager au maximum ce qu’il vit »

, explique Le Roch.

Basile a aussi reçu un coup de téléphone inattendu. Au bout du fil, celui dont il dévore les podcasts en mer : Mike Horn.

« Je lui ai dit que l’envie de gagner doit être toujours plus forte que la peur de perdre,

confie l’explorateur à

VSD. Dans chaque aventure, la peur est une maison dans laquelle on entre et avec laquelle il faut vivre au quotidien. »

L’empathie de l’aventurier pour Basile –

« un gamin qui peut aller loin »

– est liée à sa propre histoire : ami de Laurent de longue date, Horn a lui aussi perdu son père, rugbyman ­sud-africain, quand il avait 15 ans.

« J’ai eu la chance d’être bien entouré,

comme Basile, et ça m’a permis de me fixer des objectifs, de me forger en tant qu’homme et de croire en moi. »

Ému aux larmes à l’issue de cette échange, Basile dit avoir puisé dans les mots de Mike pour ne pas abandonner quelques jours plus tard. Il a fait face à la casse de la barre de flèche (élément maintenant le mât). Le bricoleur a bricolé :

« J’ai trouvé un morceau de composite, quatre vis et j’ai utilisé la perceuse,

explique-t-il.

Ça a presque tenu jusqu’à l’arrivée de la première étape. »

Son abnégation et son aisance au large lui ouvrent de belles perspectives.

« Il n’a pas de limite, tant qu’il peut être le plus longtemps sur un bateau »

, reconnaît Caroline. Edenred l’accompagnera les trois prochaines saisons en Figaro, des monocoques de 10,89 mètres, notamment sur la prochaine Solitaire, point de passage obligé pour tous les grands marins en devenir.

« Le niveau est très relevé mais j’ai envie de me confronter à cette dureté, de saisir l’exigence de cette classe »

, anticipe déjà Basile. À moyen terme, il rêve d’Imoca (18,28 m). Avec le Vendée Globe, « l’Everest des océans », dans un coin de la tête...

Antoine Grenapin

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