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Entretien avec Emmanuel Renaux, co-responsable pédagogique de la formation Chef de Projet IA – IMT Nord Europe

L’IMT Nord Europe propose pour 2022 une deuxième session de sa formation Chef de Projet IA. La création de cette certification vise à accompagner la transformation des compétences autour de l’intelligence artificielle, problématique essentielle pour de très nombreux professionnels. Emmanuel Renaux, co-responsable pédagogique de la formation Chef de Projet IA de l’IMT Nord Europe, a accepté de répondre à nos questions sur cette certification, le besoin de compétences et la spécificité de la gestion de projet IA.

ActuIA : À qui s’adresse cette formation ?

Emmanuel Renaux : La formation Chef de Projet IA de l’IMT Nord Europe est une formation titre RNCP niveau 7. Elle est donc destinée à des bac+4 et 5 et également à ceux qui n’ont pas ces diplômes via la Validation des Acquis Professionnels et Personnels (VAPP). Nous sommes dans une évolution du métier de Chef de projet tenant compte des spécificités de l’intelligence artificielle.

Quels sont les profils types des candidats ?

Il n’y a pas de profil type. Lors de la première session, nos stagiaires n’avaient pas obligatoirement le statut de chef de projet, mais il est important qu’un(e) candidat(e) ait eu une expérience au sein de projet informatique, soit en tant que responsable de projet, soit membre du projet, voire de manière transversale. Il(elle) doit déjà avoir travaillé(e) avec des contraintes de ressources, de temps, de produits et de clients. C’est ce qui fait que les profils soient larges dans leurs fonctions et peuvent être plus ou moins expérimentés. Par exemple, on a pu accueillir des stagiaires plutôt jeunes, diplômés depuis 3 ou 4 ans, notamment de chez Orange, comme des personnes diplômées depuis une vingtaine d’années.

Dans nos critères de recrutement, on apprécie surtout un(e) candidat(e) qui a un véritable projet, soit au sein de son entreprise, ou personnel en création d’activité ou reconversion. Cela augmente nécessairement sa motivation tout au long de la formation car elle nécessite un réel investissement. Il faut bien voir que le temps de formation s’ajoute souvent à un emploi du temps professionnel riche et prend sur la vie privée.

Est-ce une démarche individuelle de la part des personnes qui viennent faire cette formation ou est-ce à l’initiative de leur entreprise ?

Nous avons les deux. L’IA rentre peu à peu dans toutes les entreprises. Elles ont donc besoin de ce nouveau type de ressources, des personnes capables de gérer des projets en IA. L’entreprise peut donc être initiatrice de la formation et accompagner les stagiaires au niveau financier ou en leur dégageant du temps. Mais il a aussi des initiatives personnelles, comme par exemple une auto-entrepreneur en assistance à maîtrise d’ouvrage et qui a souhaité ajouter une corde à son arc et être capable d’accompagner ses clients dans leurs nouveaux projets IA.

Aujourd’hui l’IA est en train de s’ouvrir au monde mais reste assez opaque pour beaucoup de gens, partagez-vous ce constat ? Si oui, pourquoi ?

La question est intéressante car c’est justement une problématique qu’on aborde dans la formation. Lorsqu’une entreprise développe une solution d’IA pour son client, comment faire accepter qu’une sorte de « boîte noire » prenne des décisions, donne une orientation, aide au choix qui doit être fait ? Comment faire accepter les résultats d’un algorithme si sophistiqué qu’on n’est pas capable de l’expliquer ? Car en effet, l’IA a cette particularité que l’humain n’arrive pas à reconstituer le raisonnement menant à un résultat. Des algorithmes d’IA sont probabilistes et donc parfois le résultat peut être étonnant par rapport à un raisonnement fait par un humain. D’ailleurs, cela peut ouvrir de nouvelles perspectives. Il faut considérer l’IA comme aidant l’humain lorsqu’il y a trop d’informations à traiter. L’IA va traiter un grand nombre de données et fournir un résultat et c’est à l’humain de décider finalement. L’IA peut remplacer certains métiers, mais elle en crée de nouveaux, d’où l’utilité de former à ces nouveaux métiers, de les faire monter en compétence.

Pour vous, quelle est la différence et la spécificité d’une gestion de projet IA par rapport à une gestion de projet informatique ?

Je suis enseignant-chercheur, mais l’IA n’est pas mon domaine principal. Cependant en concevant cette formation à l’aide de professionnels de projets IA, j’ai pu toucher du doigt ce dont on parle. La spécificité d’un projet IA par rapport à un projet informatique classique de type backend Java par exemple, avec un cahier des charges établi et des technologies éprouvées depuis plusieurs années, c’est qu’il faut gérer l’incertitude. Lorsqu’on met en place une solution IA, on n’est pas sûr de la qualité du résultat, donc il y a un risque pour le client. Une autre difficulté qui est ressortie de journées de codesign ayant permis de créer cette formation avec des partenaires industriels, c’est la maîtrise des données.

Dans un projet IA, il faut gérer plusieurs ensembles de données, ce qui est complexe. Lors de la conception d’un pilote, il faut être sûr d’avoir le bon jeu de données, celui qui correspond aux données en production, c’est-à-dire, les données qui vont vraiment être utilisées. Car dans le cas contrainte, l’IA ne fonctionnera pas.

Autre spécificité du projet IA, c’est le caractère pluridisciplinaire. De nouveaux rôles interviennent : data scientist, data ingénieur, des rôles souvent transversaux aux projets. Enfin, il ne faut pas oublier l’accompagnement de l’utilisateur final. Il va falloir le former à l’utilisation de ces nouveaux outils. Finalement, je retrouve des spécificités propres à des projets de transformation digitale de la fin des années 1990 lors de la naissance d’internet et de l’ouverture des systèmes d’information, avec de nouveaux problèmes de sécurité, des problèmes de réglementation des données personnelles, d’accès aux données et de nouveaux usages. C’est ça qui est motivant, on repart sur un nouveau cycle !

Comment la formation accompagne-t-elle l’évolution à venir des métiers de l’IA ?

C’est une formation essentiellement prise en charge par des enseignants-chercheurs. On se doit d’être à la pointe et même en avance sur les technologies. En tant que scientifiques, nous travaillons sur des solutions du futur, c’est pour ça qu’on est financé. Nous sommes capables d’anticiper et donc de créer des formations sur des thématiques innovantes.

L’entreprise a sans cesse besoins de nouveaux métiers dûs à ces nouvelles technologies et donc nécessairement ce seront des professionnels à former, à faire évoluer, c’est ce que l’on fait de plus en plus.

J’ajouterais que la formation n’est pas que théorique et qu’elle met en pratique les concepts. Quoi de mieux pour assimiler un algorithme et les concepts sous-jacents que de le développer et le manipuler ? Dans la formation, on crée des petits programmes pour essayer de ressentir les choses et faire tourner l’algorithme. La formation contient un certain nombre de projets, des mises en pratiques et c’est très apprécié par les stagiaires. De plus le suivi est assuré par une grande disponibilité de l’équipe pédagogique, et des spécialistes (enseignants-chercheurs). En outre, les échanges entre et avec les stagiaires enrichissent forcément le contenu de la formation.

Les intervenants ont-ils des profils d’universitaires ou viennent-ils du monde de l’entreprise ?

On a les deux à part égale. Sur la partie technique IA, ce sont surtout des enseignants-chercheurs et dans la partie management, juridique ou gestion des connaissances, ce sont plutôt des professionnels.

Plus d’informations sur la formation Chef de projet IA de l’IMT Nord Europe sur le site de l’établissement.