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Opinion | Pour une « grande Sécu » sans monopole public

La grande Sécu serait une bonne idée, mais sans monopole public. L’État dissocierait la finalité sociale du modèle français, à conserver, de son mode opératoire actuel, à abandonner. Ce mode est en crise profonde, structurelle, comme la pandémie l’a hélas démontré. Il freine le développement du secteur de la santé, dont le potentiel économique est considérable. Avec sa technologie en progression fulgurante, il pourrait devenir un des leviers du redémarrage industriel de la France.

L’État ne prendrait en charge budgétaire que les cotisations des ménages aux revenus insuffisants. Dans cette réforme, de concert avec les futures entreprises concurrentielles d’assurance maladie, l’État établirait la doctrine de la réglementation (prudentielle, sociale et tarifaire) du secteur. L’Assurance maladie actuelle, devenant une entité juridique relevant du droit commercial, serait l’un des grands assureurs. Comme le seraient les grandes mutuelles actuelles. Les cotisations maladie procéderaient des conditions du marché. Ce marché serait largement ouvert aux entreprises innovantes dont le secteur a grand besoin et qui sont finançables.

L’État doterait en capital, selon les normes du secteur, le bilan des établissements publics de soin. Les hôpitaux, disposant de la personnalité juridique adéquate, de l’indépendance tarifaire, de la maîtrise de la qualité des soins, pourraient enfin rémunérer correctement leur personnel et investir utilement. La progression de leur compte d’exploitation comme le rendement de leurs capitaux employés seraient les indicateurs de leur gestion, de leur performance. La technique française renommée mondialement serait exportatrice par son excellence. Non pas au titre du tourisme médical, mais de la recherche des meilleurs soins pour la sauvegarde de la vie.

Tous les prestataires de soins relèveraient du droit commercial : hôpitaux, cliniques, médecins libéraux, paramédicaux. Un équilibre de marché tarifaire pourrait enfin s’établir.

Opinion | Pour une « grande Sécu » sans monopole public

Pour que l’asymétrie fondatrice de l’acte médical, le secret médical, ne soit pas une licence à mal faire ou à s’enrichir indûment, la transparence des erreurs avérées, qualifiée ou non judiciairement, serait instituée. Une centrale informatique des risques confirmés serait accessible exclusivement à la profession médicale. Ses modalités sont à établir. Cette asymétrie serait encadrée pour éviter certains débordements pernicieux. Selon un professeur américain de médecine, de renommée internationale, la mortalité par erreur médicale était, aux États-Unis, il y a une vingtaine d’années, supérieure à celle des accidents de la route. Son service avait obtenu ces informations en recourant au Freedom Of Information Act (1966). Mais, qu’en est-il en France ?

La profession médicale conseillerait à double titre ses patients, comme malades et comme clients, en les aidant à rétablir leur santé et réduire le coût de leurs soins. Le domaine de cette centrale est plus large que celui des risques assurantiels professionnels des médecins.

Cette grande Sécu sans le monopole public n’a pas d’objectif politicien comme celle annoncée par le ministre de la Santé, selon un commentateur bien informé.

Son élaboration requiert une ingénierie détaillée, intelligente, inclusive. La tradition caritative hospitalière millénaire et l’éthique immémoriale de sauvegarder la vie, de ceux qui savent soigner, devront rester au cœur de la réforme. Sa feuille de route est la construction du système de santé de la nouvelle ère technologique, mondiale. Le potentiel de la biotechnique a été illustré par la mise au point accélérée des vaccins mRNA Covid-19. D’autres progrès majeurs sont en cours de maturation. Et le capital-risque cherche des placements prometteurs.

Reste l’obstacle principal : les blocages idéologiques et politiciens qui paralysent tout effort substantiel en la matière. Et l’obstacle secondaire : la peur de la nouveauté. Comment procéder pour les lever ?

Nicolas Steinberg est conseiller financier.