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Perpignan : pourquoi le théâtre de l'Archipel va changer de direction

Borja Sitja et le théâtre de l'Archipel, c'est fini. Tel est le choix exprimé ce lundi 29 novembre par le conseil d'administration de l'établissement culturel, qui se réunissait afin de valider ou pas la prolongation du contrat de son directeur arrivé le 1

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juin 2016.

Il y a quinze jours, Borja Sitja avait présenté aux seize membres du conseil d'administration* son bilan de gestion et son projet artistique pour les années à venir. Il n'a donc pas convaincu les administrateurs qui ont préféré tourner une page à six mois de la fin de son contrat. Sur les seize membres du CA, dix se sont opposés à sa reconduction, trois se sont abstenus alors que deux lui ont affiché leur soutien.

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En coulisses, les dés semblaient pourtant pipés, surtout depuis la publication d'un rapport à charge de la médecine du travail sur son management. Après une enquête menée à l'automne 2020, les psychologues relevaient plusieurs problématiques : "des conditions de travail actuelles préoccupantes" ; "des risques psychosociaux élevés", "une maltraitance managériale" ; "un climat général fortement détérioré".

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Mais selon nos informations, la décision de son non-renouvellement ne daterait pas de ce rapport. Les relations difficiles qu'il entretenait avec la municipalité sous Jean-Marc Pujol (maire LR de Perpignan jusqu'en juin 2020), puis avec la nouvelle majorité RN de Louis Aliot ont scellé son sort. Si cette dernière s'est bien abstenue de toute critique ouverte ces dernières semaines, c'est qu'elle ne voulait pas apparaître comme étant le principal artisan de son départ. Un directeur de théâtre viré par le Rassemblement national n'étant pas la meilleure publicité pour la municipalité. Toujours est-il que depuis leur élection en juin 2020, le maire Louis Aliot et son adjoint à la culture, André Bonet, souhaitaient clairement un changement de cap.

Borja Sitja poussé au silence

Durant ce conseil d'administration où les destinées de l'Archipel se dessinaient, Borja Sitja a bien tenté avant le vote de s'exprimer, sans réussite. Les élus de la Ville se réfugiant derrière le cadre réglementaire, s'y opposant. Finalement, chaque institution partenaire de l'Archipel (Ville, Région, communauté urbaine, Etat, représentants du personnel) a pu donner publiquement son avis avant un suffrage à bulletin secret. Seul l'Etat a souhaité le soutenir alors que la Ville de Perpignan s'est opposée et que la Région s'est abstenue. "Il paie l'accumulation des dossiers contre lui", détaille une source proche de l'Archipel. "La surprise, c'est que la Région ne l'ait pas soutenu, c'est le signe d'un embarras".

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Du côté de la majorité municipale et de son adjoint à la culture André Bonet, on rejette toute chasse aux sorcières. "Après six ans, le théâtre a besoin d'un nouveau souffle à la fois sur la programmation artistique, sur sa gestion et le management de l'équipe. Une circulaire du ministère de la Culture du 15 janvier 2018 est claire : elle nous recommande de veiller au renouvellement régulier des projets artistiques et des dirigeants. Ce que je trouve regrettable, c'est que cette page se tourne dans la douleur alors que Borja Sitja aurait pu sortir par le haut. Nous lui avons dit avec humanité et respect de passer la main, il est passé outre, décidant d'aller dans le mur en ne récoltant que deux voix sur 16 administrateurs".

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Contacté ce lundi 29 novembre, Borja Sitja disait sa "tristesse" et son "regret" devant une telle décision. "La municipalité a décidé de voter contre ma reconduction à la direction, avec une triste abstention du conseil régional, en opposition au ministère de la Culture, et à mes équipes, qui soutiennent mon projet et partagent avec moi la même vision de ce que doit être une Maison de culture : libre, audacieuse, engagée avec les artistes, attentive à son public et avec une profonde volonté de service public. Mon devoir et ma volonté ont toujours été de protéger cette institution et ses collaborateurs des affres de la politique politicienne et des manœuvres, nombreuses, qui entravaient son fonctionnement, et qui n’ont pas leur place dans un lieu de création".

Selon le futur ex-directeur, le résultat était joué d'avance. "C'était téléphoné. J'ai rendu un dossier de 120 pages et je n'ai eu aucune question dessus. J'aurais aimé que l'on m'explique pourquoi j'ai été écarté. J'ai pensé un moment retirer ma candidature mais le ministère m'avait soutenu dans ma démarche tout comme un élu de premier plan de la Région".

À noter que l'Archipel devra se doter d'une nouvelle direction. Un conseil d'administration doit se tenir d'ici quinze jours où la procédure de recrutement sera lancée.