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Abstention record aux élections de la caisse de retraites des territoriaux

Du jamais vu : moins de 21 % des affiliés à la

CNRACL

ont voté, entre le 1

er

et le 15 mars, pour élire leurs représentants à son conseil d’administration. Les résultats de ces élections, publiés le 25 mars à 3 h (au lieu de 18 h la veille à cause d’une panne du système informatique de dépouillement) révèlent ainsi que la participation continue de baisser (elle était de 35 % en 2014) et s’effondre même chez les actifs : leur collège affiche 16,3 % de votants, tandis que les retraités se sont mobilisés à 29 %. Chez les employeurs, la participation est inférieure à 30 % dans les communes de plus de 20 000 habitants et de 48,6 % en dessous de ce seuil. Elle est de 37,3 % dans le collège réunissant les régions, les départements et les intercommunalités.

« Cela devient problématique pour le fonctionnement de notre démocratie », alerte Claude Lehen, secrétaire général adjoint de l’Unsa-Territoriaux, rejoint par Jeff Lair, porte-parole de la Fédération CGT des services publics : « Ce résultat doit inquiéter le gouvernement et les employeurs », lance celui-ci. De fait, certains remettent en cause ces élections elles-même, comme Nadine Brucher, secrétaire fédérale de l’Interco CFDT : « Nous prêchons plutôt pour que l’on s’appuie sur la représentativité établie par les élections professionnelles, comme le font les autres organismes de sécurité sociale. »

L’ombre de la réforme des retraites plane sur les élections à la CNRACL

« Une forme de résignation »

La crise sanitaire, qui embolise les journées et l’esprit des agents du versant hospitalier, est sans doute l’une des causes de cette abstention record. « Le maintien de ces élections malgré le contexte nous a aussi empêché de conduire une campagne satisfaisante », ajoute Nadine Brucher.

Mais ce n’est pas la seule cause, estiment les syndicats. Loin de mobiliser, comme beaucoup l’espéraient, la réforme en suspens du système de retraites, a pu, en réalité, en démotiver certains, estime Jeff Lair : «Des collègues ont pu se dire que ce n’était pas la peine d’aller voter si la CNRACL est appelée à disparaître dans un système universel. » Dominique Régnier, secrétaire général de FO-Services publics, le pense aussi : « Avec les incertitudes sur les retraites, il y a peut-être une forme de résignation. »

Autre explication avancée par les syndicats : le vote électronique. Environ 4 % des actifs, comme des retraités du corps électoral, et entre 7,6 et 10,5 % des employeurs, y ont eu recours. «La majorité des agents de la territoriale ne manipulent pas les outils informatiques dans leur missions, ça ne marche donc pas», assure Jeff Lair. La CFDT, elle aussi, émet, en signant le PV de résultats, « des réserves sur le vote électronique ». Quand à la FA-FP, elle confirme : « Les résultats parlent d’eux-mêmes, les retraités n’y adhérent pas. ».

Cependant, explique-t-on à la Caisse, si l’on s’attache aux résultats sur l’effectif des votants – et non celui des inscrits -, la réalité est plutôt celle d’une augmentation du nombre des votes électroniques. Les 4,13 % cités dans la feuille d’émargement des résultats pour le collège des actifs, par exemple, sont en effet calculés au regard du nombre d’inscrits (2,3 millions), alors que le taux de recours à internet des votants de ce collège (397 722) est de 25,03 %. Sur l’ensemble des collèges, le taux de vote électronique au regard du nombre de votants est donc en progression, puisqu’il est de 19, 7% contre 11% en 2014.

Enfin, plusieurs organisations mettent aussi en cause des arrivées tardives ou avec des ratés du matériel de vote, par exemple en Ile-de-France et en outre-mer, ou encore des difficultés de certains agents à obtenir un réassort. Mais leur avis n’est pas partagé par Jean-Marie Marco, vice-président honoraire du

SNDGCT

, qui avait monté une liste commune avec l’

Abstention record aux élections de la caisse de retraites des territoriaux

AITF

et l’

ATTF

, et assure avoir eu « une grande satisfaction de l’organisation ».

CGT en tête

Ce faible taux de participation n’empêche pas chaque organisation de prendre acte des résultats et de la légitimité qu’ils lui donnent. Pour la CGT, «c’est le même schéma qu’en 2014 », se félicite Jeff Lair : l’organisation arrive en tête chez les actifs comme chez les retraités, conservant trois sièges dans le premier collège et un dans le second.

La CFDT, deuxième organisation en nombre de voix, remporte quant à elle deux sièges dans le collège des actifs, mais un autre aussi chez les retraités. « C’est une victoire, commente Nadine Brucher, mais c’est en fait un rééquilibrage, un reflet de la réelle représentativité de la CFDT dans les versants territoriaux et hospitaliers de la fonction publique. »

Besoin de pédagogie

Quant à FO, elle conforte sa troisième position au collège des actifs, ce qui lui donne un siège, mais elle perd celui qu’elle avait au collège des retraités. Un résultat que Dominique Régnier attribue à une campagne électorale « de proximité » perturbée par le contexte sanitaire. Mais il constate aussi qu’un effort de pédagogie est sans doute encore nécessaire : «Le dossier des retraites a bien mobilisé les agents au moment des débats sur la réforme, mais ils ne font pas forcément de lien entre le côté politique du sujet et leur caisse, la CNRACL. »

C’est justement à un « gros effort d’explication » que Jean-Marie Marco attribue enfin le résultat de 7,3 % des voix obtenu par la liste SNDGCT-AITF-ATTF, contre 5,71 % en 2014. « Avec la CFDT, nous sommes la seule liste qui progresse, assure-t-il. Pourtant, en 2014, nous étions avec l’Association nationale des retraités hospitaliers, qui représente aussi des agents de catégorie C, commente-t-il. Mais les affiliés ont compris que nos propositions pour les retraites ne concernent pas exclusivement des DGS, ingénieurs ou administrateurs territoriaux. Nous n’avons pas de siège, mais nous gagnons en légitimité pour défendre les spécificités de la territoriale et l’activité de la CNRACL. »

Sdis : la défense corporatiste en débat

Si l’on en croit les résultats au sein des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), le pari du SNPP-Pats, qui présentait pour la première fois une liste « corporatiste » , paraît gagné : celle-ci remporte 27,1 % des voix des sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques, contre 19,63 % pour la FA-FP et 16,65 % pour la CGT, suivies par les autres organisations. « C’est très intéressant, se félicite Frédéric Monchy, président du SNPP-Pats. Nous comptons bien utiliser ces chiffres pour montrer que nous avons toute légitimité à parler avec les ministères. »

Mais pour Sébastien Delavoux, coordinateur CGT des Sdis, « le corporatisme ne suffit pas ». Il rappelle que les organisations syndicales fédérées ou confédérées ont aussi dans leurs rangs des sapeurs-pompiers : « C’est ainsi un rapport de la CNRACL qui a permis d’avancer sur la toxicité des fumées », assure-t-il. Mais autour de la réforme des retraites, les agents craignent pour eux comme pour leurs enfants. Les combats sur les catégories actives et les conditions de travail ne sont pas spécifiques aux personnels des Sdis. »

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