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TÉMOIGNAGES. « Comment je m’habille ? Par désir de plaire et peur d’être jugée… »

Habituellement, quand Olivia (prénom modifié) rejoint son amie Julie pour un verre après le travail, celle-ci est encore en tailleur et talons. Julie (prénom modifié) est directrice d’une agence bancaire. Mais depuis les confinements, elle arrive au café en baskets. « Elle a goûté au plaisir de passer sa journée dans des chaussures confortables et elle a décidé de continuer, même pour ses rendez-vous avec des clients. Elle s’est dit qu’elle n’avait plus rien à prouver », raconte Olivia, 43 ans. Bien sûr, les baskets sont chics. « Et elle a toujours une paire de talons dans son bureau, au cas où elle aurait besoin de prendre de la hauteur, pour être prise au sérieux. »

Des talons pour être prise au sérieux

Car, selon leur travail, les femmes doivent plus ou moins s’habiller de manière à prouver leur compétence. Quand elle part pour la crèche où elle travaille, Valérie (prénom modifié) choisit une tenue « confortable, pratique, et d’entretien facile », explique-t-elle. Quand Astrid, 35 ans, était employée dans une administration, elle revêtait systématiquement « une tenue de bureau, robe et chemisier, par mimétisme, pour être intégrée au tableau ambiant, par peur d’être jugée peut-être ». Maintenant qu’elle travaille dans une boutique de créatrices, elle se sent plus libre : « Je ne viens pas en jogging et sweat à capuche, je mets toujours des boucles d’oreilles, mais je peux mettre des pantalons et des leggings confortables. »

Professeure en lycée, Alice, 40 ans, a l’air jeune. « Pour qu’on me respecte, je mets toujours un col. Pour qu’on me considère », précise-t-elle. Les femmes cadres ou femmes politiques savent qu’il leur faut adopter certains codes vestimentaires, décrypte Marie Duru-Bellat, sociologue spécialiste des questions d’éducation et de genre : « Elles doivent être suffisamment féminines, sinon on leur reproche de singer les hommes. Mais pas trop féminines non plus, sinon on les suspecte de vouloir séduire pour masquer leur incompétence. » Diane, femme transgenre de 42 ans, confirme : « Quand j’étais perçue comme un homme, j’étais globalement considérée comme compétente avant même de faire mes preuves. Maintenant qu’on me voit comme une femme, on me juge incompétente même lorsque je fais mes preuves. »

TÉMOIGNAGES. « Comment je m’habille ? Par désir de plaire et peur d’être jugée… »

« Je rêve bêtement de briller en tenue de soirée »

Les jours ou soirées de fête, les femmes s’habillent en répondant consciemment ou non à une autre injonction : être belles. « Il m’est régulièrement arrivé de porter des fringues inconfortables, même difficiles à enfiler ! reconnaît Olivia. Souvent, c’est une jolie robe pour une soirée. Et des talons que je dois enlever pour danser. Quand on sort, on est censées être belles, alors que les hommes se pointent avec leurs vêtements de la journée. » Diane est féministe : « Pourtant, je rêve bêtement d’une soirée classe où je pourrais briller sous les projecteurs, dans un bel ensemble. On est conditionnées à vouloir être belles, à penser que se mettre en valeur, ça passe par l’apparence. »

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