tankionlinar

Cancers pédiatriques inexpliqués : près de Nantes, les familles en quête de réponses

« Ce sont des années de traitement avec des chimiothérapies quotidiennes, des injections en intrathécale. Des ponctions lombaires, des ponctions de moelle osseuse. » « Mon fils a été mis sous morphine pour pallier à ses douleurs, avec la perte des cheveux, les obsessions alimentaires, la baisse de moral. » Comme 2500 enfants ou adolescents chaque année en France, les fils de Marie Thibaud et Angélique Bocher, quatre ans tous deux, ont été touchés par un cancer dans les villes de Sainte-Pazanne et Machecoul-Saint-Même en Loire-Atlantique.

Et si les maladies identifiées comme des cancers pédiatriques – leucémies, tumeurs ou encore lymphomes – restent considérées comme des maladies rares, 23 autres cas ont cependant été déclarés dans la région depuis 2015, sur un rayon de 15 kilomètres.

Pas de cluster identifié par les autorités

Avec une multiplication préoccupante de cas de cancers pédiatriques dans le Pays de Retz et suite au premier signalement d'un particulier, c'est en 2017 qu'intervient tout d'abord l'Agence régionale de santé (ARS) qui dresse alors une première évaluation concluant « à un excès de cas de leucémies sur deux ans parmi les enfants de moins de 15 ans ».

À lire aussi

Cancers pédiatriques inexpliqués : près de Nantes, les familles en quête de réponses

Patricia Blanc: «Cinq cents enfants meurent chaque année du cancer»

En 2019, un nouveau signalement incite l'Agence régionale de santé à solliciter une enquête épidémiologique de la part de Santé publique France. Comme l'explique Lisa King, responsable régionale de cellule d'intervention en région, ces nouvelles investigations, basées sur des procédures scientifiques avec notamment 600 échantillons prélevés et 80 000 analyses environnementales, ne permettront pas « d'identifier de source commune d'exposition » dans le secteur de Sainte-Pazanne. « On était arrivés à la limite de ce qu'on pouvait faire, on a donc dû passer la main à la recherche à ce moment-là ».

La France à « l'âge de pierre » de la santé environnementale et du préventif

Mais si la main est laissée à la recherche, l'état actuel des connaissances sur les causes du cancer pédiatrique reste, lui, encore « parcellaire et lacunaire » comme le reconnait Chantal Gloaguen, directrice déléguée Santé-Environnement à l'ARS Pays de la Loire. 90% des leucémies infantiles aiguës restent ainsi encore sans cause connue tandis que les hypothèses sont « des causes plurifactorielles, génétiques, des facteurs environnementaux ou des facteurs qui seraient liés à des infections. Il y a beaucoup de facteurs suspectés, comme les pesticides, que ce soit où les gens habitent, des expositions au domicile, aux pesticides pendant la grossesse, dans les usages domestiques, les expositions aux champs électromagnétiques basses fréquence... »

Face à ces connaissances encore limitées, à la fin des investigations publiques dans le secteur de Sainte-Pazanne et à des traitements aux séquelles encore extrêmement lourdes sur les patients, en particuliers sur des mineurs, Marie Thibaud et d'autres particuliers de la région ont décidé de monter en mars 2019 le collectif « Stop aux cancers de nos enfants » pour mener, à l'initiative de commissions citoyennes, de nouvelles recherches environnementales sur les différents facteurs potentiels à l'origine des maladies de leurs enfants mais pour également militer et sensibiliser sur les enjeux de la santé environnementale.

« La santé environnementale, c'est l'impact de l'homme sur l'environnement, faune et flore, et les conséquences sur sa santé et celle de tous les êtres vivants » explique de son côté la députée MoDem Sandrine Josso. En décembre 2020, cette élue de Loire-Atlantique, interpellée par la situation dans son département, fut nommée rapporteure d'une commission d'enquête sur la santé environnementale. L'objectif ? Présenter des conclusions et des propositions visant à « repenser la place de la santé environnementale dans l'organisation de l'action publique » et placer la prévention de maladies comme le cancer pédiatrique, le diabète, l'obésité ou certaines maladies neurodégénératives au cœur des évolutions du système de santé du pays.

« On est à l'âge de pierre dans ce domaine-là. On sait bien soigner les maladies en France, mais malheureusement, on fait beaucoup moins de préventif » estime Sandrine Josso alors que des signalements de potentiels clusters de cancers pédiatriques se sont multipliés ces dernières années au-delà du secteur de Sainte-Pazanne, en Charente-Maritime, dans l'Eure ou encore dans le Haut-Jura.